II/ Mgr Vincenzo Bracco – Patriarche de 1873 à 1889
- 14 septembre 1835 : naissance à Torrazza en Ligurie
- 18 juin 1859 : ordonné prêtre à Gênes
- 23 mai 1860 : arrive au Patriarcat, exerce comme professeur de philosophie au séminaire
- Octobre 1862 : recteur du séminaire à 27 ans.
- 29 janvier 1866 : nommé évêque titulaire de Magydus et évêque auxiliaire du Patriarche
- 21 mars 1873 : nommé Patriarche à 38 ans
- 1873-1889 : fondation des missions d’Ermémin, de Fuhais, de Kérak, de Reneh, de Chefamar, de Rafidia, de Madaba, de Gaza, d’Ain Arik, de Zababdeh, de Hoson et d’Ajloun.
- 19 juin 1889 : décès d’une pneumonie à l’âge de 54 ans
Les anecdotes :
- Il portait à la fois le nom de son père et de sa mère
On connaît surtout Mgr Bracco sous le prénom de Vincent, mais en réalité, son nom complet était Jean-Baptiste Vincent (ou Vincent Jean-Baptiste – à vous de voir). Le prénom « Vincent » venait de sa mère (prénommée Vincenza) et de son grand-père, et le prénom Jean-Baptiste était celui de son père.
- Pendant son enfance, il parcourait chaque jour dix kilomètres
Issu d’une famille pauvre, Mgr Bracco, qui démontra très tôt des facilités pour l’étude, réussit malgré tout à devenir élève du collège de Port-Maurice. Faute de moyens, il ne put néanmoins se permettre de payer une pension et dut s’inscrire en tant qu’externe. Si cette formule lui permettait de suivre le programme scolaire comme tous les autres étudiants, elle l’obligeait toutefois à parcourir matin et soir les cinq kilomètres qui séparaient Torrazza de Port-Maurice – et ce, dès les premières lueurs de l’aube, car la messe était célébrée tous les jours une heure avant le début des cours, et Mgr Bracco ne voulait surtout pas la manquer. En outre, il passait ses vacances à travailler la terre avec sa famille, tout en servant fidèlement la messe chaque matin. On pourrait croire qu’un tel rythme ne lui laisserait que peu de temps à consacrer aux devoirs scolaires, mais malgré ces conditions difficiles, Mgr Bracco parvint à devenir major de sa promotion, à tel point que ses camarades renoncèrent à la lutte pour la première place, jugée trop inégale. Et dire qu’il fut considéré comme « de constitution trop faible » pour accomplir son service militaire !
- C’est le Patriarche latin de Jérusalem lui-même qui réclama sa présence en Terre Sainte
Mgr Bracco n’avait même pas encore achevé ses études que sa réputation n’était déjà plus faire. Sérieux, discipliné, pieux, calme… Dans les différents récits de ses camarades et professeurs, les adjectifs élogieux pour le décrire ne manquent pas. Et c’est à travers le Pr. Antonio Belloni, un Salésien très attaché à la cause des orphelins et ayant étudié aux côtés de Mgr Bracco, que ces louanges parvinrent aux oreilles du Mgr Valerga, premier Patriarche latin de Jérusalem. Ainsi, à la fin de l’année 1859, ce dernier écrit au Préfet de la Sacrée Congrégation pour demander à ce que le jeune missionnaire le rejoigne en Terre Sainte. On dit que lorsqu’il apprit la nouvelle, Mgr Bracco se contenta d’un mot : « Amen ! »
- Il n’aimait pas beaucoup parler de lui-même
Mgr Bracco était loin d’être timide, mais son humilité était telle qu’elle donnait parfois lieu à des situations étonnantes. Choisi par le Pape pour devenir évêque auxiliaire du Patriarcat en 1866 (à la recommandation du Patriarche Valerga), sa nomination est reçue avec un fort enthousiasme : la foule en liesse accueille le nouvel évêque par des cavalcades, des démonstrations d’escrime, des tirs de pistolets, des feux d’artifice et des chants traditionnels. Mais à peine les festivités prennent-elles fin que Mgr Bracco part s’enfermer dans sa chambre, non sans avoir longuement pleuré – à croire que de telles démonstrations envers sa propre personne l’affectaient durement. Plus tard, surchargé de travail en raison des fréquentes absences du Patriarche (qui était également Délégué Apostolique de Syrie et souvent envoyé en mission hors du diocèse), Mgr Bracco apprend que sa santé décline. Il entreprend alors d’écrire une longue lettre au Patriarche, dans laquelle il lui présente ses excuses pour son « indisposition » et se montre très réticent à l’idée de se faire soigner – au point d’en demander l’autorisation au Patriarche et d’insister pour que le traitement ait lieu non loin de la Terre Sainte et n’incommode personne. Pour quelqu’un prêt à « présenter sa bourse » à n’importe quel miséreux ou œuvre de charité (dixit l’un de ses professeurs de théologie), Mgr Bracco montrait bien peu d’enclin à s’occuper de lui-même…
- Il introduisit les Sœurs du Rosaire dans le diocèse du Patriarcat
Vous devez déjà avoir entendu parler d’elles, n’est-ce pas ? Il s’agit de la plus ancienne congrégation chrétienne catholique féminine de l’Orient arabe. Elles sont actives partout en Terre Sainte. Eh bien, c’est Mgr Bracco qui a permis leur implantation. En 1875, sœur Marie-Alphonsine, qui appartenait à la congrégation de Saint-Joseph de l’Apparition, se rend chez lui pour lui parler de sa vocation ; car elle a reçu une vision de la Vierge lui demande de fonder « la Congrégation du Rosaire ». Mgr Bracco l’envoie alors chez le fondateur de l’Orphelinat Catholique de Bethléem, puis, plus tard, met à la disposition de la toute jeune communauté une maison non loin de la Co-Cathédrale. Il instaure ensuite un noviciat et, afin qu’elles puissent commencer à former et à enseigner aux jeunes filles, il envoie plusieurs sœurs à travers tout le diocèse : Zababdeh, Naplouse, Birzeit, Beit Sahour, Fuheis, Jaffa (Nazareth), Salt… À noter que Mgr Bracco supervisa l’installation de nombreuses autres institutions religieuses en Terre Sainte : entre autres, les Assomptionnistes, les Pères Trappistes, les Clarisses, les Frères hospitaliers de St Jean de Dieu…
- Il avait un certain talent pour l’écriture
Mgr Valerga, le premier Patriarche, avait demandé qu’un recueil d’apprentissage religieux soit composé pour son diocèse. Mgr Bracco s’occupa personnellement de le remettre au goût du jour en l’adaptant aux enfants et en le divisant en deux volumes ; l’un pour les plus jeunes, l’autre pour les adolescents. Rédigé en arabe puis traduit en français, ce texte restera la référence du catéchisme des jeunes pendant plus de 40 ans. Le deuxième Patriarche latin de Jérusalem ne s’arrêta pas là : il traduisit aussi la Bible en arabe avec l’aide de Jésuites, et rédigea de nombreuses lettres pastorales à l’intention de ses fidèles, pour conserver un lien avec eux et leur enseigner la religion.
- Il s’était dressé une liste de règles très strictes qu’il respectait au pied de la lettre
« Strictes » étant un euphémisme. Ses règles incluaient entre autres « Je me lèverai à 5h », « Je célèbrerai la Sainte Messe à 7h, puis l’action de grâces à 8h », et « Je réciterai Matines et Laudes, puis ferai une demi-heure d’oraison, les prières du soir ainsi que l’examen de conscience après la lecture spirituelle de 8h30 » (tous les jours, bien sûr). Sans parler des règles concernant son comportement intérieur : « Je ferai des actes de confiance en la bonté et en l’aide de Dieu […] », « Je ferai en sorte que l’unique but de mes actions soit de constamment plaire à Dieu », « Je ne prendrai jamais de décision en matière grave sans avoir imploré les lumières de l’Esprit Saint pendant au moins trois jours », ou bien encore, « je tâcherai d’entretenir en moi un profond sentiment d’humilité ».
- Une des difficultés à laquelle il se heurta lors des fondations de ses missions concerna… les femmes
À cette époque, en Transjordanie, les femmes n’avaient pas pour habitude de rentrer à l’intérieur des églises. Seule la présence de religieuses pouvait réussir à les y amener ; mais elles n’étaient pas encore présentes partout, et certaines missions souffraient de cette défaillance. Ainsi, à Fuheis, si les femmes accueillent le prêtre avec enthousiaste, elles se dispersent toutes dès qu’il pénètre dans son église, et seuls les hommes restent. Le Patriarche le déplorera amèrement et cherchera à accélérer l’implantation de congrégations religieuses féminines pour remédier à cela.
- Il était admiré de tous… y compris des non-catholiques
Décrit comme un « vrai homme de Dieu » et un « pasteur d’âmes » par Mgr Giacomo Giuseppe Beltritti (Patriarche latin de Jérusalem de 1970–1987), comme un homme « d’un calme et d’une douceur inaltérable » par ses camarades, comme quelqu’un « d’une extrême charité » par ses professeurs, Mgr Bracco eu de tout temps la réputation d’être un vrai saint parmi les membres de son diocèse… mais pas seulement. Car nombreux étaient les prêtres étrangers qui chantaient ses louanges… sans parler des Musulmans, qui l’avaient surnommé « L’homme qui ne pêche pas », ou même des Grecs orthodoxes, qui exprimèrent plus d’une fois leur admiration envers ses vertus.
- Juste avant sa mort, il accorda trois bénédictions
La scène a lieu quelques heures à peine avant qu’il ne rende l’âme. Epuisé par une pneumonie, il est couché sur son lit et tout le monde sait son départ prochain. Tous ses prêtres se rendent alors à son chevet pour recevoir sa bénédiction. Ils sont suivis des séminaristes… puis d’un groupe d’habitants de Jérusalem, qui s’avance à son tour pour entendre une dernière fois la voix du Patriarche les bénir. La nuit suivante, Mgr Bracco rend l’âme après seize ans passés à la tête du Patriarcat latin.
A suivre...
Sources :
- Pierre Couderc-Duvigneau, Une vie pour Dieu et les âmes. Mgr Vincent Bracco, Jérusalem, 1981
- Le Moniteur Diocésain,
- Organe de l'oeuvre de la Préservation de la Foi en Palestine et de l'Ordre Militaire des Chevaliers du Saint-Sépulcre