Excellences,
Chers frères et soeurs,
Que le Seigneur vous donne la paix !
Je salue tous ceux qui, depuis les différentes parties de notre diocèse - Palestine, Israël et aussi Jordanie - sont venus ici, au pied du sanctuaire diocésain de notre Mère, pour prier ensemble. Je salue en particulier toutes nos paroisses, accompagnées de nos pasteurs, mais aussi l'Eglise syriaque, toutes les différentes communautés religieuses, les migrants de tant de pays lointains qui vivent parmi nous, ainsi que les Chevaliers du Saint Sépulcre et les nombreux pèlerins qui nous ont rejoints en ce jour très spécial pour tout le diocèse.
L'année dernière, à cette occasion, nous avons été nombreux à venir de l'ensemble de la Terre Sainte, et la journée fut une belle expérience d'Eglise. Toutes les églises catholiques de Terre Sainte étaient présentes : latine, melkite, syriaque, maronite, arménienne... Toute l'Eglise était là pour l'ouverture du chemin synodal voulu par le Pape François, qui est d'ailleurs loin d'être terminé. Ce fut vraiment une merveilleuse expérience d'Eglise, dont nous gardons un souvenir ému.
Aujourd'hui, le Synode n'est pas fini. Au contraire, nous sommes au milieu du parcours synodal de l'Eglise universelle, qui attend de nous des propositions, des réponses et des orientations concernant le son cheminement dans les années à venir. Cette journée est donc l'occasion pour nous de porter ici, aux pieds de Notre Dame de Palestine, le chemin de cette année écoulée, et de lui confier la vie de notre communauté ecclésiale, de nos familles et de tout notre diocèse, dont Notre Dame de Palestine est la patronne.
Tout au long de l'année, nous avons fait de nombreuses rencontres, eu de nombreuses occasions de prier, de rencontrer, de partager nos expériences, de partir en pèlerinage. Le cœur de tout ce voyage et l'objectif principal que nous nous étions fixés étaient d'écouter : de nous écouter les uns les autres, mais surtout de vous écouter. D'habitude, c'est nous, les prêtres, qui parlons, qui vous demandons d'écouter : nos sermons, nos homélies, nos conférences, nos directives... Cette année, nous avons essayé de faire le contraire. Dans certains contextes cela a bien fonctionné, dans d'autres moins, mais partout, nous avons toujours essayé d'être une église qui sait écouter.
Ecoute, communion et mission. Ce sont les trois mots du Synode. Pour vivre en communion les uns avec les autres, une vraie communion, il est important de s'écouter. Les membres d'une famille qui ne s'écoutent pas perdent leur communion avec le temps, car ils ne sont plus capables de partager la vie. Et c'est la même chose dans les communautés religieuses et dans nos communautés paroissiales.
Demandons donc à la Vierge de développer en nous cette attitude importante, qui devrait toujours s'appliquer à tous : l'écoute. L'écoute avant tout de la Parole de Dieu, afin d'y puiser un renouveau pour notre esprit. L'année dernière, lors du dimanche de la Parole de Dieu, de nombreuses communautés paroissiales et familles ont pris une journée pour lire et prier avec la Bible. Ce fut une belle expérience. J'espère et je prie pour que cela devienne une habitude quotidienne. Parce qu'écouter et vivre à proximité de la Parole de Dieu nous rend également capables de prendre soin les uns des autres et des besoins de la communauté ; cela renforce et nourrit notre foi de chrétiens. Nos communautés seront plus fortes si elles savent écouter. Comme nous l'avons déjà dit, écouter ne signifie pas seulement entendre, mais aussi accueillir en nous la vie des autres. Accueillir en nous, tout d'abord, la vie de Dieu, puis la vie du monde entier qui nous entoure.
Je prie donc pour que, sur notre chemin, nous apprenions de plus en plus à être des communautés synodales. Ce qui ne signifie pas seulement agir ensemble, décider ensemble ou adopter un comportement plus démocratique, mais former des communautés où nous avons tous le sentiment de participer à la vie des autres.
Aujourd'hui, nous voulons aussi porter aux pieds de notre Mère et Patronne la vie de nos différentes communautés civiles dans notre diocèse, à Chypre, en Jordanie, en Israël et surtout en Palestine. En visitant et en rencontrant les nombreuses communautés paroissiales et religieuses dans les différents territoires du diocèse, j'ai vu de belles expériences de vie et d'engagement, un vrai désir de participation ; mais j'ai aussi vu les nombreux problèmes qui affligent nos sociétés respectives. L'appauvrissement de tant de familles, la fragilité économique, la violence rampante dans les villes et les villages, les tensions sociales et parfois même religieuses, le chômage des jeunes, et une politique de plus en plus fragile, éloignée de la réalité du pays et incapable de donner des réponses claires et immédiates aux nombreux besoins de notre société.
Je pense en particulier aux tensions politiques et militaires en Palestine, qui, ces derniers temps, semblent ressembler lentement mais sûrement aux pires tensions politiques et militaires que nous avons connues par le passé, malheureusement vécues à plusieurs reprises. Il existe ici une profonde méfiance, en particulier chez les jeunes, qui sont impatients de trouver des réponses à leurs attentes en matière de vie et de dignité. Cette année, il y a eu trop de funérailles de jeunes, morts dans cet interminable conflit.
Nous sommes donc ici aussi pour demander et crier notre désir de justice et de paix, pour demander aux gouvernants de s'engager réellement pour le bien commun de tous.
Mais nous sommes ici avant tout pour affirmer encore une fois que nous croyons fermement que "rien n'est impossible à Dieu" (Lc 1,37), et qu'avec l'intercession de Notre Dame de Palestine, il est encore possible de rêver d'un avenir décent pour nos familles et surtout pour nos jeunes.
L'Evangile nous présente la rencontre de deux femmes, sainte Élisabeth et la Vierge Marie, et ce qui caractérise le plus ce passage est la disproportion. Une disproportion entre ce qui se passe, et l'écho de cet évènement. Car en réalité, il ne se passe presque rien ; simplement deux femmes qui se rencontrent. Rien de plus normal, de plus simple, de plus quotidien.
Sauf qu'il ne faut pas oublier derrière la signification de cet évènement. Comment il est compris par les deux femmes, par l'évangéliste Luc, par l'Eglise, et puis par nous ici aujourd'hui. D'abord, nous ne voyons que deux femmes, Marie et Elisabeth ; puis nous comprenons ensuite qu'à travers cette rencontre, beaucoup d'autres se manifestent. Les protagonistes de cette rencontre ne sont pas seulement Marie et Élisabeth, mais aussi Jean-Baptiste, Jésus, l'Esprit Saint... Puis, avec le Magnificat, il y a aussi toute l'histoire du salut : les pauvres, les riches, les affamés... Il y a Abraham et tous les pères à qui Dieu a fait ces promesses qui se réalisent aujourd'hui. Et le Magnificat se termine par un "pour toujours" (Lc 1,55), qui ouvre sur l'avenir, et donc nous atteint, nous. Nous aussi sommes donc là....
L'Evangile nous dit que Dieu veut remplir nos vies de Sa présence, nous rendre, comme Marie et comme Elisabeth, porteurs du mystère du salut, dans cette vie qui est la nôtre, telle qu'elle est : avec ses petites choses, son quotidien plus ou moins réussi, ses contradictions, ses difficultés politiques et économiques auxquelles j'ai fait allusion, ses obstacles, sa vanité. Nous croyons que cette vie qui est la nôtre est habitée par le salut, parce que Dieu a simplement choisi de venir à nous, en nous.
Sainte Elisabeth et la Vierge Marie sont deux femmes qui sont conscientes de ça et qui se reconnaissent l'une et l'autre. Elles reconnaissent que leur propre histoire est l'objet de cette attention de Dieu, et qu'Il a insufflé la vie là où il était impossible que la vie naisse.
L'Evangile nous rappelle donc que nous prenons conscience du passage de Dieu lorsque nous l'observons chez les autres, comme ce fut le cas pour sainte Elisabeth et la Vierge Marie. Prendre conscience de la présence de Dieu dans la vie humaine ne peut se faire en dehors d'une relation humaine, car nous avons besoin de l'autre pour reconnaître le passage de Dieu en nous.
C'est cela la charité, c'est cela le service que nous sommes appelés à nous rendre les uns aux autres. Et le chemin synodal dont nous avons parlé est aussi cela. Non seulement s'écouter et s'entendre, mais être capable de reconnaître le passage de Dieu parmi nous, et de le reconnaître dans l'autre. Cette prise de conscience apporte et donne une vie nouvelle, confiante, une vie de louange, de "Magnificat". Là où nous reconnaissons le passage du Seigneur, l'histoire quitte ses propres espaces, petits et étroits, pour adopter les immenses espaces de l'histoire du salut ; nous devenons solidaires de tout un peuple, qui marche sur le même chemin, créant une communion et suscitant la confiance. La présence de Dieu ouvre à l'espérance.
Il faut du courage aujourd'hui pour parler d'espoir, d'avenir, de vie. Mais si nous croyons vraiment que Dieu est présent et qu'il peut changer la vie du monde, alors ces mots ne sont plus une utopie.
Demandons à Notre Dame de Palestine d'ouvrir nos cœurs à l'espoir, d'ouvrir nos yeux et nos cœurs pas seulement à nos problèmes, mais aussi au passage de Dieu parmi nous, parmi nos pauvres, dans nos familles, dans nos communautés religieuses et paroissiales, dans notre société civile.
Nous vous confions à nouveau l'ensemble de notre diocèse patriarcal de Jérusalem. Donnez-nous la force d'être, dans cette Terre Sainte qui est la nôtre, des porteurs de joie et d'espérance.