La visite du Pape François à Chypre : Relations entre catholiques et orthodoxes, migration et paix dans la région

Par: Layal Hazboun/ lpj.org - Publié le: December 01 Wed, 2021

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CHYPRE - Le vendredi 5 novembre 2021, le Bureau de presse du Saint-Siège a annoncé officiellement que Sa Sainteté, le pape François, se rendra à Nicosie, capitale de Chypre, du 2 au 4 décembre. La visite devrait porter sur les migrations, les relations entre catholiques et orthodoxes et la promotion de la paix dans la région.

La diversité religieuse à Chypre

En raison de sa situation géographique, au sud de la Turquie et au sud-est de la Grèce, l'île de Chypre se caractérise par la diversité des religions et des sectes qui ont appris à vivre ensemble au fil du temps, après des années de conflit. Ces groupes travaillent ensemble pour le bien de la communauté chypriote, ainsi que pour aider les migrants de Chypre qui, depuis des années, vivent dans des conditions difficiles.

Selon la section "Migrants et réfugiés", un petit organisme du Vatican dédié aux actions sur le terrain, 80 % de la population de Chypre est chrétienne-orthodoxe, tandis que 18 % est musulmane. Les 2 % restant sont composés de latins, de catholiques maronites, d'arméniens, de protestants, de bouddhistes et d'hindous, avec de petites populations de juifs, de témoins de Jéhovah et de bahaïs.

Afin de réglementer les relations et d'assurer l'égalité des droits des adeptes de toutes les religions et sectes, la Constitution chypriote de 1960 a reconnu trois groupes religieux : les catholiques maronites (dont les ancêtres ont quitté l'actuel Liban au Moyen Âge), les grecs orthodoxes  et les latins. Ils sont ainsi exemptés de taxes, disposent chacun d'un représentant à la Chambre des représentants et sont éligibles aux subventions gouvernementales pour leurs institutions religieuses.

Les Latins de Chypre

Très minoritaires, les Latins de Chypre ont cependant contribué au développement économique, culturel et social du pays. Leur riche histoire remonte à 1192, avec l'arrivée d'une vague de migrants catholiques d'Europe et du Levant, accueillis par le roi franc de Jérusalem. En 1196, un archevêque latin a pris ses fonctions à Nicosie, l'actuelle capitale chypriote, accompagné par trois évêques qui se sont installés dans les villes de Famagouste, Limassol et Paphos. De nombreuses communautés catholiques romaines les ont suivis, s'installant sur l'île tout au long des périodes franque et vénitienne (1192-1489 et 1489-1570). A cette époque, les latins de Chypre représentaient alors 15 à 20 % de la population et exerçaient une influence importante en tant que noblesse dirigeante.

Lorsque les Ottomans prennent le contrôle de l'île en 1570, ils ne parviennent pas complètement à éliminer la présence latine à Chypre en raison de la persistance d'institutions franciscaines (notamment des écoles et de monastères), ainsi que de consulats européens et de présences diplomatiques dans la région.

Aujourd'hui, les quatre paroisses catholiques de Chypre, la paroisse Sainte-Croix à Nicosie, la paroisse Sainte-Marie-des-Grâces et la paroisse Sainte-Catherine à Larnaca ainsi que la paroisse Saint-Paul à Paphos, sont placées sous l'autorité du diocèse de Jérusalem, avec un vicaire patriarcal latin à Nicosie, fonction actuellement occupée par le père Jerzy Kraj. Le Patriarcat gère la paroisse Saint-Paul de Paphos, tandis que les Franciscains administrent les trois autres. Le vicaire est soutenu par des prêtres officiant dans la capitale, à Limassol, à Larnaca et à Paphos.

Il n'existe aujourd'hui que deux écoles latines qui fonctionnent à Chypre mais qui accueillent également des étudiants d'autres confessions : le Terra Santa College de Nicosie, fondé et géré par les Franciscains, et l'école Saint-Mary de Limassol, qui a été fondée à l'origine par les Sœurs franciscaines du Sacré-Cœur en tant que collège pour filles.

En outre, il y a le centre social de Saint-Joseph pour les migrants à Nicosie, géré par les Sœurs franciscaines du Sacré-Cœur, le refuge de Saint-François à Limassol, qui offre des soins de santé aux pauvres et organise des activités récréatives, ainsi que la maison de repos Terra Santa, qui est une maison de retraite pour les femmes âgées gérée par les Sœurs franciscaines du Sacré-Cœur à Larnaca.

La visite du pape Benoît XVI en 2010

Suivant l'exemple des saints Paul et Barnabé, les deux missionnaires qui ont visité Chypre pour prêcher la parole de Dieu, les latins et les orthodoxes de Chypre vivent et coopèrent ensemble pour servir les communautés chrétiennes et non chrétiennes de Chypre, malgré une longue histoire de conflits politiques et religieux.

En juin 2010, Sa Sainteté le pape Benoît XVI avait effectué une visite officielle de trois jours à Chypre, au cours de laquelle il a rencontré les communautés latine, maronite et grecque orthodoxe. La rencontre du pape Benoît XVI avec Sa Béatitude Chrysostomos II, archevêque de Chypre, a été la dernière d'un nombre croissant de contacts qui remontent à 1964, lorsque le pape Paul VI a rencontré Sa Béatitude le Patriarche Athénagoras, Patriarche de Constantinople.

Le pape Benoît XVI avait également visité la cathédrale maronite de Chypre et rencontré Sa Béatitude Youssef Soueif, archevêque de l'Archéparchie catholique maronite de Chypre. Au cours de sa visite, il avait évoqué les premières communautés maronites arrivées à Chypre à différentes époques au cours des siècles : " Bien que leur foi ait été mise à l'épreuve comme l'or dans le feu (cf. 1 P 1, 7), ils sont restés constants dans la foi de leurs pères, une foi qui vous a été transmise à vous, les Chypriotes maronites d'aujourd'hui. Je vous exhorte à conserver précieusement ce grand héritage, ce don précieux".

Migrants et demandeurs d'asile à Chypre

Selon la section Migrants et Réfugiés, en 2017, Chypre était le deuxième pays européen en termes de taux d'immigration. En 2019, l'île était le pays avec le plus grand nombre de demandeurs d'asile par rapport à sa population, la plupart provenant de Syrie, de Géorgie, d'Inde, du Bengladesh, du Pakistan ou du Cameroun.

Aujourd'hui, Chypre est le pays européen qui accueille le plus grand nombre de réfugiés, constituant environ 4% de la population totale. Ces chiffres sont en constante augmentation, avec une hausse de 50% du flux migratoire en 2017 par rapport à 2016, et de 69% pour 2018.

Ensemble, avec les musulmans de Chypre, les églises de Chypre coopèrent afin d'aider les migrants et les demandeurs d'asile, leur fournissant divers services grâce aux centres et institutions dont elles disposent.

En 2018 par exemple, à l'occasion de la Journée mondiale des réfugiés, les chefs religieux de Chypre ont publié une déclaration vidéo commune en soutien aux réfugiés et aux demandeurs d'asile, plaidant pour la compréhension, le soutien, la protection et l'inclusion.

S.B. l'archevêque Chrysostomos II, archevêque de Nova Justiniana et de toute l'île de Chypre, S.E. le Dr Talip Atalay, Mufti de Chypre, S.E. l'archevêque Khoren Doghramadjian de l'Église orthodoxe apostolique arménienne de Chypre, S.E. l'archevêque Youssed Soueif de l'Église maronite de Chypre, et Fr. Jerzy Kraj, Vicaire Patriarcal Latin et Représentant de la Nonciature Apostolique à Chypre, ont envoyé un message global pour consacrer une attention particulière aux réfugiés qui sont forcés de fuir leur patrie à la recherche d'une vie meilleure, en les intégrant dans la société dans laquelle ils vivent et en les encourageant à y apporter des contributions positives.

Ils ont ajouté que "nous devons les aider à retrouver leur dignité d'êtres humains et leur permettre de s'adapter à la vie dans un pays étranger". Les chefs religieux ont appelé les individus et les institutions religieuses, civiles et politiques à contribuer à l'intégration des réfugiés dans leurs nouvelles sociétés. Ils ont conclu en déclarant que les réfugiés sont "nos frères et sœurs en quête d'une vie meilleure loin de la guerre, de la pauvreté et de la faim".

Jeudi 11 novembre, au cours d'une conférence organisée au Vatican et promue par la "Fondation Migrantes", S.S. le pape François a déclaré que "les migrants, si on les aide à s'intégrer, sont une bénédiction, une source d'enrichissement et un nouveau don qui encourage la société à grandir".

Le 13 novembre, le Bureau de presse du Saint-Siège publiait l'itinéraire du voyage du pape François à Chypre, comprenant une rencontre avec les prêtres et les religieux à la cathédrale maronite de Notre-Dame des Grâces à Nicosie, une visite à S.B. Chrysostomos II et une rencontre avec le Saint-Synode. 

Le 3 décembre, le pape François présidera également une messe au "GSP Stadium" et une prière œcuménique avec les migrants à l'église paroissiale de la Sainte-Croix à Nicosie.

Samedi 4 décembre, le Pape devrait quitter Chypre pour la Grèce.