JERUSALEM – Depuis le rétablissement du Patriarcat latin de Jérusalem en 1847, lors de la publication de la lettre Apostolique Nulla Celebrior du souverain pontife Pie IX, dix Patriarches se sont succédé à la tête de cette institution. De Giuseppe Valerga à l’actuel Patriarche du diocèse, Pierbattista Pizzaballa, en passant par Filippo Camassei et Michel Sabbah, tous ont apporté leur touche personnelle à cette Eglise catholique particulière qu’est le Patriarcat latin. Aujourd’hui, lpj.org vous propose de redécouvrir les premiers Patriarches en partageant dix anecdotes sur la vie de chacun d’entre eux.
II/ Mgr Luigi Piavi – Patriarche de 1889 à 1905
Les dates clés :
Les anecdotes :
Mgr Piavi est né le 17 mars 1833 à Ravenne, en Italie. En 1848, il a quinze ans. La Révolution française a eu des échos dans son pays, déjà secoué par des idées unificatrices depuis plusieurs décennies. Bientôt, Charles-Albert de Sardaigne, chef du Royaume de Sardaigne (une région italienne), et allié d’autres Etats italiens, déclare la guerre à l’Empire d’Autriche. Le futur Mgr Piavi n’hésite pas : désireux de se battre pour son pays, il prend les armes. Toutefois, deux ans plus tard, convaincu que là n’est pas sa voie, il délaisse l’armure pour l’habit des Franciscains, qu’il rejoint le 21 octobre 1850, à l’âge de dix-sept ans.
Mgr Piavi s’appelait en réalité Joseph Piavi. Il prend le nom de Luigi (Louis) de Ravenne le 8 octobre 1851, lorsqu’il fait profession chez les Frères Mineures de Bologne, une ville située au nord-est du pays.
Si Mgr Valerga et Mgr Bracco laissèrent derrière eux de nombreuses missions implantées partout dans le diocèse, ce fut Mgr Piavi qui se chargea de les faire grandir et de les solidifier. Aidé du père Guillelmo Barberis, un architecte qui supervisa entre autres la construction du lieu abritant le séminaire de Jérusalem, ainsi que de ses évêques auxiliaires Mgr Appodia et Mgr Piccardo, Mgr Piavi s’occupa ainsi de faire construire des églises, des chapelles, des couvents, des presbytères et des écoles non-mixtes dans chaque mission du diocèse. Il ne fonda qu’une seule mission : celle de Mouqeibleh, confiée à la Custodie de Terre Sainte.
Elu Patriarche latin de Jérusalem en 1889, quelques mois après la mort de Mgr Bracco et après avoir été administrateur apostolique de Syrie, archevêque de Sunia puis délégué apostolique de Syrie, Mgr Piavi avait pour sa fonction une description significative : « Le long de la voie ferrée qui va de Jérusalem à Jaffa, il y a des gorges profondes. J’ai dans l’une d’elles ma grotte préférée. On l’aperçoit depuis le train. C’est là, qu’en m’éloignant de Jérusalem, je dépose tous mes ennuis, tous mes soucis… pour les reprendre à mon retour ! »
En raison de sa santé fragile, Mgr Piavi réclama rapidement à Rome quelqu’un pour l’épauler dans ses lourdes tâches de Patriarche. Ainsi, le 13 février 1891, Mgr Pascal Appodia devint évêque titulaire de Capitolias (aujourd’hui Beit Ras en Jordanie) et évêque auxiliaire de Jérusalem. Il fut consacré par Mgr Piavi au Saint-Sépulcre un mois plus tard. D’un naturel abordable, Mgr Appodia était souvent sollicité par des missionnaires intimidés par le Patriarche ; il se chargea également d’une grande partie des visites pastorales et des cérémonies pontificales du Patriarcat. Il mourut en 1901 d’une attaque cérébrale, et fut remplacé par Mgr Louis Piccardo, qui s’occupa de gérer le diocèse après la mort de Mgr Piavi en attendant la nomination du nouveau Patriarche.
Comme dit précédemment, pendant toute la durée de son mandat patriarcal, Mgr Piavi ne fonda pas de nouvelle mission. Néanmoins, il ne se contenta pas de consolider les anciennes : en effet, afin de répondre aux besoins grandissants des communautés latines du diocèse, il encouragea l’arrivée de plusieurs congrégations sur le territoire du Patriarcat latin. On peut notamment citer les Trappistes, établis à Latroun, les Salésiens, les Lazaristes, les Carmélites, les Bénédictins et Bénédictines, les Religieuses de l’Hortus conclusus ou encore les Passionnistes.
Il suffit de lire les journaux de l’époque : tandis que La Croix le comblait d’éloges (« Son Excellence s’est toujours montrée à la hauteur de la difficile et délicate mission qui incombe au Patriarche de Jérusalem »), le Figaro donnait un tout autre ton : « Pur dilettante, habile diplomate, il agit directement contre les ordres du Saint-Père et de la Propagande. Avant tout, cet Italien veut faire triompher l’Italie ». Objectivement parlant, les raisons de ces tensions proviennent en réalité de deux faits ; la nationalité italienne du Patriarche et son appartenance à l’ordre des Franciscains. À cette époque, la France est très attachée à son protectorat, et certains souhaitent voir un Français à la tête du Patriarcat latin. De surcroît, une certaine défiance s’élève à l’égard des Franciscains, en raison de leur implantation de longue date en Terre Sainte. Tout joue donc en défaveur de Mgr Piavi, qui adoptera en réponse une position très ferme vis-à-vis de la France. Si cela lui créera de nombreux ennemis parmi les Français, il parviendra toutefois à conserver son siège et son rang avec succès.
Ouvert en 1893, ce congrès avait pour but de répandre le christianisme catholique en Orient, mais fut également l’occasion pour le pape Léon XIII d’aborder différents sujets complexes, tels que l’installation de missions protestantes en Terre Sainte, l’état général de l’Eglise en Orient ou encore la présence ottomane. La question du protectorat français cristallise aussi le débat, notamment entre le Vatican et la Propaganda Fide – ce d’autant plus que le congrès est majoritairement composé d’Italiens (de la Custodie et du Patriarcat latin) et de Français (Assomptionnistes et Pères Blancs). Parmi les 732 congressistes, on trouve également des Belges… ainsi que 212 femmes.
En 1898, le Patriarche Luigi Piavi reçoit la visite de l’empereur d’Allemagne, Guillaume II, lors d’un séjour politique dans l’Empire Ottoman, durant lequel le Kaiser se rendra entre autres à Istanbul, Haifa, Bethléem, Jérusalem, Jaffa, Beyrouth et Damas. À cette occasion, Mgr Piavi se verra remettre le cordon et la plaque de l’Aigle rouge, première classe ; un ordre de chevalerie du royaume de Prusse. Il réciproquera cet honneur à titre posthume en 1905, en faisant porter à l’empereur, alors en visite à Metz, les insignes de l’ordre du Saint-Sépulcre, après avoir obtenu l’approbation du Pape. C’est le cardinal Kopp qui les lui portera, en déclarant : « Profondément ému par le généreux présent que Votre Majesté fit aux catholiques allemands, le Patriarche Piavi a voulu perpétuer le souvenir de ce pèlerinage impérial en conférant à Votre Majesté la plus haute distinction dont il dispose, c’est-à-dire les insignes du Saint-Sépulcre. »
Comme mentionné plus haut, certains missionnaires, craignant d’aborder Mgr Piavi, préféraient d’abord solliciter son évêque auxiliaire, Mgr Appodia. Mgr Piavi avait en effet un caractère très différent du Patriarche qui le précéda, réputé « doux et saint » ; lui-même était plus austère, appréciait les plaisanteries cinglantes, montrait une nature moins sensible et plus terre à terre. Ce masque d’apparence sévère lui conféra chez certains la réputation d’être froid, d’autant qu’il ne se déplaçait que rarement dans son diocèse en raison de sa santé délicate. Toutefois, parmi ceux qui le connaissaient intimement, peu le décrivaient comme tel. Car Mgr Piavi démontra également souvent une grande bonté et un vif intérêt envers ses missions et les habitants de son diocèse.
A suivre...
Sources:
La contribution de l'Ordre au travail du Vicariat de Saint-Jacques auprès des catholiques de langue hébraïque
Aux côtés du Patriarcat latin, l'Ordre renforce l'accompagnement pastoral des communautés locales
Soins et amour pour les personnes handicapées : les centres et les maisons soutenus par l'Ordre