JAFFA - Ce lundi 25 octobre, l’église St Pierre de Jaffa pouvait à peine contenir l’assemblée réunie pour l’enterrement du père Gregor Pawlowski, prêtre discret, très aimé et très zélé des communautés hébréophones et polonaises de Jaffa, Bat Yam et Tel Aviv pendant 50 ans.
La cérémonie, présidée par S.B. Mgr Pierbattista Pizzaballa, Patriarche latin de Jérusalem, accompagné de Mgr Boulos-Marcuzzo, était concélébrée par une quinzaine de prêtres, surtout du Vicariat Saint Jacques, dont le vicaire nouvellement nommé le P. Piotr Zelazko, le P. David Neuhaus, et le P. Rafic Nahra, maintenant vicaire patriarcal pour Israël à Nazareth. Le curé de St Pierre de Jaffa, le Père Apollinaire Szwed, ofm, a prononcé l’homélie de cet émouvant « À Dieu ».
De nombreux religieux et fidèles étaient également présents, pour beaucoup d’origine polonaise, dont la représentante de l’Ambassade de Pologne en Israël, entourant la famille du P. Gregor Pawlowski, né Jacob Zwi (« Hersz ») Griner en 1931 dans la région de Lublin en Pologne.
Agé de 8 ans au moment de l’invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie, le jeune Hersz voit sa famille séparée (son frère ainé Haïm, rejoint l’armée rouge en déroute), puis son père arrêté et déporté, sa mère et ses deux sœurs assassinées dans le cimetière d’Izbica avec les 1000 autres juifs du ghetto de Zamosc.
Miraculeusement parvenu à s’enfuir avec la complicité de quelques habitants qui le laissèrent s’échapper sans le signaler au moment de l’arrestation, il vit au hasard des rencontres dans des familles qui acceptent de l’héberger en échange de ses services, dans la peur constante d’être dénoncé et tué. Pour se protéger, il apprend les prières catholiques et obtient grâce à un autre garçon juif un certificat de baptême au nom de Gregor Pawlewski. Il portera désormais ce nom.
A la fin de la guerre, il trouve refuge dans une institution tenue par deux religieuses catholiques de la ville de Tomaszov Lubelski. A l’âge de 14 ans, le 27 juin 1945, alors que la guerre est terminée, il demande vraiment le baptême, avouant que l’acte qu’il a présenté était faux mais cachant sa judéité. Le prêtre le baptise sous condition.
Il grandit à l’orphelinat, s’attachant aux religieuses. Elève brillant et volontaire, il devient très pieux et finalement décide d’entrer au Séminaire.
Ordonné le 20 avril 1958, il commence son service dans les paroisses du diocèse de Lublin.
En 1966, à l’occasion du millénaire de la christianisation de la Pologne, il choisit de raconter son histoire dans un journal de Cracovie.
Son frère Haïm, parti de Lublin au début de la guerre, vivant désormais à Haïfa mais sans avoir jamais pu obtenir ou donner de nouvelles à sa famille, lit l’article et immédiatement, entreprend d’entrer contact avec lui.
Le père Gregor rejoint la Terre Sainte en 1970 après avoir donné une sépulture à sa mère, à ses sœurs et à tous les juifs assassinés dans le cimetière d’Izbica, avec cette inscription en polonais et en hébreu :
« Je sais, moi, que mon Défenseur est vivant
Que Lui, le dernier se lèvera sur la terre »
(Job 19, 25)
Discret et zélé, il partage sa vie entre ses paroissiens de la banlieue de Tel Aviv et sa famille enfin retrouvée. Il avait récemment fêté le jubilé d’or de son sacerdoce au milieu de ses fidèles de Bat Yam : « Ma place est ici, au milieu du peuple juif. J’ai senti comme un appel de travailler parmi les chrétiens qui vivent sur ma terre. »
Prêtre fidei donum en Terre Sainte, il était toujours incardiné dans le diocèse de Lublin qui lui donna d’ailleurs le titre de « prélat mitré » il y a une dizaine d’années.
A l’issue de la cérémonie, les prêtres ont porté le cercueil sur la place devant l’église qui fut entouré par tous les participants aux obsèques. Les neveux de son frère Haïm et d’autres parents, fidèles à la tradition biblique, ont prononcé quelques paroles et ont récité le Kaddish avant que la dépouille mortelle du père Gregor ne quitte la Terre Sainte par avion pour rejoindre la tombe qu’il avait préparé en Pologne, à côté de celles de sa mère et de ses sœurs, avec cette épitaphe en hébreu :
Père Gregor Pawlowski
Jacob Zvi Griner
Fils de Mendel et Miryam, de mémoire bénie
J’ai abandonné ma famille
pour sauver ma vie au temps de la Shoah
Ils vinrent nous prendre pour nous exterminer
J’ai sauvé ma vie et je l’ai consacrée
Au service de Dieu et de l’homme
Je leur ai rendu cette place
où ils furent massacrés
Pour la sanctification du nom de Dieu
Puissent leurs âmes jouir de la vie éternelle.
Retrouvez plus de détails sur la vie du Père Gregor grâce au site du Vicariat Saint Jacques.