JERICHO - Depuis 2002, le Mosaic Center de Jericho s'attache, entre autres, à revitaliser l'art de la mosaïque, un patrimoine culturel méditerranéen et palestinien de grande richesse. Entre rénovations, travaux de conservation et créations originales, l’équipe, dirigée par M. Osama Hamdan, président du centre, s'est fait connaître en Terre Sainte et à l'étranger pour son expertise, rare dans un domaine encore trop peu connu localement. Rencontre.
Au Mosaic Center de Jericho, que j'ai fondé en 2002 avec le P. Michele Piccirillo, OFM, et ma collègue Carla Benelli, je travaille principalement à la rénovation et à la conservation de mosaïques. Ce Mosaic Center dispose également d'un centre de céramique à Nisf Jubeil, ainsi que d'un centre d’alimentation proposant des plats traditionnels et des cours de cuisine, et d'une extension de maison d'hôtes, dont la structure principale est située à Sebastia. Nous avons également un autre atelier de mosaïque à Bethléem. Notre travail sur le patrimoine culturel des mosaïques et des céramiques est multiple : conservation, rénovation, création originale, campagnes de sensibilisation et cours de formation.
Le Mosaic Center de Bethléem (Star Street)
Nous adoptons une approche scientifique. Afin de préparer notre intervention et de décider de l'approche et de la méthode que nous allons employer, nous commençons toujours par documenter et étudier les mosaïques sur lesquelles nous allons travailler. Ensuite, nous présentons le projet au client. Notre objectif est d'aider à conserver les valeurs et le message véhiculé par le patrimoine culturel qui nous a été confié. Nous essayons également de faire en sorte que les personnes qui contempleront ce patrimoine comprennent mieux sa signification. Nous devons conserver la beauté et la richesse originales de l'art, tout en tenant compte de l'impression qu'il dégagera après notre travail.
Au fil des années, notre expertise croissante dans le domaine nous a permis de travailler sur de nombreux grands sites chrétiens : Dominus Flevit, Gethsémani, Magdala, St Pierre en Gallicante, l'abbaye de la Dormition... Parce que nous proposons également des créations originales, nous avons de nombreuses commandes, tant à l'étranger (France, Italie, Allemagne...) que localement. À Nazareth, par exemple, depuis cinq ans maintenant, nous sommes responsables de la création de certaines des icônes en mosaïque de la Vierge Marie qui décorent la basilique de l'Annonciation.
Mais nous ne travaillons pas seulement avec les chrétiens : nous avons également travaillé sur des sites musulmans et des synagogues. Notre Mosaic Center forme ainsi un grand pont entre les gens qui vivent ici et qui, malgré leur différente foi, ont énormément de points communs – notamment en ce qui concerne le patrimoine culturel.
Une création originale du Mosaic Center
À l'origine, je suis architecte. J'ai étudié en Italie, où, comme j'aimais l'histoire, je me suis spécialisé dans la conservation. Mais je ne connaissais pas grand-chose à l'art de la mosaïque jusqu'à ce que je rencontre le P. Michele [Piccirillo], l'un des cofondateurs du Mosaic Center. C'était un expert en art de la mosaïque et en archéologie byzantine au Moyen-Orient, et il m'a appris tout ce qu'il savait. Avec lui, j'ai pu travailler avec des mosaïques en Syrie, en Jordanie, en Palestine... Il a vraiment ouvert mon esprit et mes yeux à cet art. Jusqu'à sa mort en 2008, nous avons travaillé ensemble sur de nombreux projets, notamment la création et l'agrandissement du Mosaic Center de Jéricho.
Aujourd'hui, ce que je fais est un vrai bonheur pour moi. Parce que nous expérimentons, nous créons. Et nous donnons de l'espoir aux gens, surtout aux jeunes. La situation ici peut être difficile, et parfois on peut penser qu’il n’y a pas d'espoir. Mais en offrant aux gens la possibilité de travailler dans notre centre, d'avoir un bon métier, respecté, de devenir un véritable expert dans un domaine comme celui-ci, nous leur donnons l'espoir d'un avenir meilleur et plus radieux.
Au Mosaic Center de Jéricho
Comme mentionné précédemment, je crois aussi que le patrimoine culturel est un outil essentiel au dialogue et à la tolérance. Nous avons des employés musulmans, et ces derniers sont toujours curieux de comprendre et d'en apprendre plus sur les sites sur lesquels ils travaillent. "Qui est ce personnage, que fait-il, pourquoi est-il dessiné de la sorte ?" Le patrimoine, c’est une façon d'apprendre à connaître l'autre, de s’ouvrir à lui, de l’accepter et de le respecter. Et, parce que nous le connaissons, nous n’en avons plus peur. En enseignant et en montrant aux gens différents arts issus de différentes religions, on brise les murs entre les communautés, on créé un dialogue possible.
Tout est parti d'un projet de formation avec six jeunes Palestiniens. L'idée était de leur apprendre à prendre soin de leur patrimoine culturel, notamment des mosaïques, car il n'y a pas beaucoup de spécialistes dans ce domaine. Nous avons donc créé un atelier de formation afin de leur fournir des compétences en matière de conservation.
Aujourd'hui, le centre est une organisation non gouvernementale aux activités multiples, qui emploie environ 25 personnes. Nous ciblons les populations vulnérables – notamment les femmes – en leur proposant des formations et des opportunités d'emploi. Nous employons également des personnes handicapées. Ces dernières sont spécialisées dans la création de mosaïques originales.
L'objectif principal de notre centre est simple : faire prendre conscience aux gens de la valeur du patrimoine culturel local, non seulement en tant que grande ressource, mais aussi en tant qu’avantage pour la population locale : un avantage à la fois culturel, social et économique. Notre projet porte sur le renouveau de la mosaïque, non seulement en tant qu'artisanat, mais aussi en tant qu'art.
Osama (à gauche) et son équipe à Magdala, à l'intérieur de la synagogue du Ier siècle découverte en 2009
Cela dépend. Notre pays a été influencé par de nombreuses périodes différentes : Hellénistique, romaine, byzantine, islamique, croisée, ottomane... Mais aussi, au cours du XIXe siècle, par de nombreux courants étrangers ; italiens, allemands, anglais... Aujourd'hui, notre expérience nous permet de puiser dans chacun de ces différents styles et techniques. Et nous trouvons notre inspiration non seulement ici, mais dans toute la région du Moyen-Orient.
Pour les mosaïques originales, nous nous inspirons souvent d'artistes palestiniens, ou nous créons notre propre style. Ici, les écoles ne misent malheureusement pas beaucoup sur l’enseignement artistique, donc nos employés sont au final plus des artisans qualifiés que des artistes. Cependant, avec l'expérience, ils arrivent à interpréter à leur manière des œuvres d'art, des peintures ou des dessins afin de les incorporer dans leurs mosaïques avec une touche personnelle.
Souvent, nous devons toutefois simplifier les œuvres qui nous inspirent, car la mosaïque coûte chère. Pour réaliser une petite pièce, il nous faut 100 tesselles (pour un modèle simple – parfois, lorsque les tesselles sont plus petites, il en faut plus). Et comme nous utilisons des techniques et des outils du passé (tout est fait à la main), nous devons couper, ajuster et tailler chaque pièce. Cela demande du temps, de la patience et des moyens.
Elles sont faites de pierres de couleur naturelle. Mais nous utilisons parfois des tesselles de verre et de l'or pour nos icônes, comme celles de Nazareth, car, s'agissant d'un matériau chimique, ils offrent plus de possibilités en termes de couleurs. Les pierres sont moins brillantes, moins colorées. Malgré tout, elles revêtent pour nous une valeur particulière ; après tout, il s’agit des pierres de la Terre Sainte.
Actuellement, je travaille au Saint-Sépulcre. Nous avons aussi des projets à Ein Karem et à Béthanie, où nous faisons de la rénovation, de la conservation et des fouilles. À Sebastia, nous travaillons sur la valorisation du site, et nous faisons également des fouilles et de la rénovation. Et nous sommes aussi en train de rénover le sommet du Mont Nebo, en Jordanie. Bientôt, nous pourrions également commencer à travailler sur certains bâtiments mamelouks à Jérusalem.
Préservation de mosaïque à Béthanie
Je suis très heureux d'avoir été choisi pour travailler au Saint-Sépulcre. C'est un lieu d'une grande valeur historique, culturelle et religieuse, et je l'aime beaucoup. Mais si je pouvais choisir n'importe quel endroit... J'aimerais aussi beaucoup travailler sur les mosaïques du Dôme du Rocher. Et publier quelque chose sur les mosaïques du palais d'Hisham. Ce serait mon rêve !
Crédits photos (sauf photo principale) : https://mosaiccentrejericho.com/