Chaque enfant naît pour quelqu’un : pour une famille qui l’attend, pour une communauté qui l’accueille, qui le verra grandir, qui grandirait avec lui et grâce à lui.
Jésus aussi est né pour quelqu’un, mais pas seulement pour quelqu’un en particulier ; car Jésus est né pour tous. Les passages de l’Evangile qui racontent sa naissance nous disent précisément que cet enfant n’appartient pas seulement à sa famille, ni seulement à son peuple, mais que tous, proches et lointains, sont appelés à participer à l’évènement de sa naissance, à la joie et à la grâce de sa venue dans le monde.
Jésus est venu pour tous, et ceux qui se laissent atteindre par le don de sa présence sont appelés, comme nous l’avons vu dimanche dernier, à se mettre en route, à faire un voyage. C’est une constante que l’on retrouve dans toutes les histoires de femmes et d’hommes de foi et précisément celle-ci : se mettre en route, parce que la foi elle-même est un voyage, elle est une recherche constante, un départ toujours nouveau.
C’était aussi le cas des mages.
Nous avons commencé l’Avent par une invitation à veiller pour ne pas laisser passer en vain le kairós, le moment favorable, le temps de la grâce (Mc 13, 33-37). Nous pourrions dire que les mages sont avant tout des personnes qui ont accepté cette invitation, qu’ils n’ont pas laissé passer l’occasion de leur vie : ils ont vu un signe, ils ont compris que ce signe était pour eux, qu’il les appelait à partir, et ils se sont mis en route.
L’étoile que les mages ont vue, comme toutes les étoiles, ne reste pas immobile dans le ciel, mais suit un chemin. Matthieu raconte que l’étoile a précédé les mages, jusqu’à ce qu’elle arrive à l’endroit où se tenait l’enfant. Là elle s’est arrêtée (Mt 2,9).
Cela signifie que si l’étoile bouge, si l’on veut continuer à la voir, il faut bouger avec elle, la suivre, se mettre en route. Si l’on reste immobile, l’étoile disparaît, car l’étoile ne peut pas s’arrêter.
Les mages ont vu une étoile dans le ciel et souhaitait une unique chose : ne pas perdre cette lumière, continuer à la laisser les éclairer. C’est pourquoi ils ont quitté leur pays et sont devenus des pèlerins, sans savoir dès le départ où ils arriveraient.
Pour se mettre en route, il faut faire confiance.
Mais comment cette opportunité s’est-elle présentée à eux ?
L’occasion, le kairós, s’est présenté à eux par le biais, précisément, d’une étoile ; ce qui signifie que les mages sont des personnes qui ont regardé vers le haut, qui se sont ouvertes à un horizon infini.
Regarder, c’est aussi lever les yeux, scruter le ciel.
Leur regard n’est pas resté prisonnier de leurs frontières, de leur monde. Il ne s’est pas installé, il ne s’est pas arrêté.
Tout voyage naît d’un regard, d’une vision qui mène au-delà.
Ils arrivent ensuite à Jérusalem, et ils y arrivent comme d’humbles chercheurs.
Bien souvent, Jérusalem était atteinte par des étrangers, venus pour se battre, pour piller, pour s’emparer de sa beauté et de ses trésors.
Les mages viennent pour chercher, pour partager une impatience, dans un lieu et avec des gens qui ont pour vocation de chercher et d’attendre, pour donner un sens à leur vie.
Dans leur cœur, ils ont une question, et c’est là leur véritable richesse : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? » (Mt 2,2). Ils sont sages, mais ils sont aussi à la recherche d’une plus grande sagesse : ils savent qu’ils ne savent pas tout.
C’est ce manque qui leur permet de se mettre en route, de poser des questions, de faire confiance.
Les mages savent qu’un roi est né, mais ils ne savent pas où ; car l’étoile ne s’est encore fixée sur aucun lieu.
Où naît le Roi et Seigneur, où le trouver ; c’est la grande question, le grand désir de tout Homme.
Et le désir des mages est comblé lorsque leur chemin rencontre la Révélation, lorsque leurs pas s’arrêtent pour écouter la Parole, parce que la Parole est l’épiphanie de Dieu. C’est la Parole qui les conduit à Bethléem, où ils trouvent l’étoile qui les attend, parce que tout y est rappelé.
Enfin, le voyage a une dernière étape nécessaire ; celle qui conduit les mages à se prosterner devant cet enfant. Peut-être, de tout le voyage, est-ce l’étape la plus difficile parce qu’elle nous demande de reconnaître que c’est lui le Roi, et non pas nous. Il est le Seigneur de l’histoire, nous ne le sommes pas.
C’est le pas qu’Hérode ne peut franchir, parce qu’il lui faudrait avoir le courage et l’humilité d’enlever la couronne de sa propre tête et de la placer sur la tête de cet humble nouveau-né.
Pourtant, Jésus, né pour tous, est né pour cela : pour nous libérer de l’illusion du pouvoir, de la violence, de tout ce qui ne nous donne pas la vie.
La vraie vie consiste à reconnaître la grandeur du signe d’un petit enfant, venu dans le monde pour dire que le désir de Dieu est de marcher avec nous.
+Pierbattista
+Pierbattista