Sainte Messe pour la solennité de Marie Mère de Dieu et Journée Mondiale de la Paix 2021
Chers frères et sœurs,
Le Seigneur vous donne la paix !
Notre célébration est à nouveau restreinte par la pandémie. J'espère que la nouvelle année qui commence aujourd'hui sera de moins en moins marquée par cette tragédie qui a paralysé la vie de notre communauté pendant si longtemps.
Au cours de l'année écoulée, il a été vraiment difficile de pouvoir avoir un minimum de vie ordinaire pour le diocèse. Une année marquée par la pandémie, comme nous l'avons dit, mais aussi par de nombreux autres problèmes tant diocésains que sociaux et politiques.
Mais je suis sûr et j'espère que bientôt nous reviendrons à la normalité de notre vie ecclésiale, avec des célébrations vivantes et physiques, et pas seulement via internet. Après la longue pause du Sede Vacante pour les raisons que nous connaissons tous, puis une paralysie presque totale liée à la pandémie, nous devons maintenant regarder en avant avec confiance et détermination pour reprendre le chemin de toute notre Église.
Aujourd'hui, c'est aussi la Journée mondiale de prière pour la paix. Et c'est précisément à la paix que je veux consacrer nos premières réflexions pour cette année. Je sais bien que c'est un sujet qui nous est cher à tous, mais qui est aussi loin de notre expérience de vie. Il est difficile de parler de paix, quand autour de nous, nous vivons exactement le contraire.
Mais, comme je l'ai dit, cette année, je pense qu'il est approprié de s'arrêter un moment pour réfléchir à la paix dans une perspective interne, ecclésiale, liée à notre vie diocésaine. Nous avons prononcé de nombreuses paroles mettant en cause le mur de séparation qui a causé et continue de causer tant de souffrances à tant de nos fidèles. Et il est juste que l'Église soit claire à ce sujet. Mais je pense que nous pouvons aussi nous arrêter et réfléchir aux barrières que, parfois sans le savoir, nous érigeons en nous-mêmes, entre nous. Pour avoir une vie ecclésiale sereine et toujours plus féconde, il est également nécessaire de regarder notre réalité et de nous demander où le Seigneur nous demande de grandir et de nous améliorer.
Permettez-moi donc d'identifier quelques barrières qui risquent d'entraver notre cheminement ecclésial.
Clergé - Laïcs
Ce n'est un secret pour personne qu'il existe une certaine distance entre le clergé et les laïcs, et ce n'est certainement pas un phénomène unique dans notre Église. C'est un thème commun à de nombreuses églises dans le monde. Le pape François a condamné le cléricalisme à plusieurs reprises. Dans notre environnement local, le phénomène est cependant très évident. La collaboration entre prêtres et laïcs est souvent mal comprise et finit par devenir : "faites simplement ce que le prêtre veut". A chaque changement de pasteur, la vie de la communauté doit souvent repartir à zéro et prendre le modèle et la mesure du prêtre en charge, presque toujours très différent de son prédécesseur. Il est difficile de convaincre d'avoir des conseils paroissiaux et de pouvoir partager des idées et des initiatives. Il est vrai que la culture locale n'aide pas à encourager une approche partagée de la vie ecclésiale. Mais cela n'est vrai que jusqu'à un certain point. Il y a des paroisses dans lesquelles les conseils paroissiaux fonctionnent très bien. Les conseils locaux aussi ! D'autre part, il est également vrai qu'il est difficile de trouver des laïcs formés, engagés et prêts à apporter une contribution positive à la communauté. C'est un véritable obstacle qu'il faut prendre en considération, surtout en pensant à la génération future, qui veut être les leaders de la vie de l'église, et pas seulement des exécutants d'ordres et de directives.
Le fossé générationnel
Un autre obstacle, mais tout à fait naturel et également commun à de nombreuses églises, concerne le fossé évident entre les générations. Alors que dans le passé, les générations se succédaient avec une certaine continuité, aujourd'hui les transitions générationnelles sont plus fréquentes et plus radicales.
D'un côté, nous avons ceux qui regardent avec nostalgie le passé et regrettent un modèle d'Église et de communauté qui semble aujourd'hui ne plus exister. Ils regrettent le grand nombre de personnes qui existait autrefois, la participation communautaire qui était autrefois, en fait tout ce qui était autrefois ; mais ils oublient de vivre le présent avec une sérénité chrétienne. D'autre part, les jeunes générations ne veulent pas vivre dans la nostalgie et veulent changer même ce qui n'a peut-être pas besoin d'être changé. Elles veulent de l'air frais, un esprit nouveau, un horizon... Il y a souvent le désir de changer pour changer, sans avoir une conscience claire des racines, du sens des gestes et des célébrations. En bref, nous regardons le passé avec nostalgie ou nous sommes projetés vers l'avenir. Ces deux réactions sont des échappatoires au présent qui fait parfois peur ou qui est vécu sans critique. S'écouter les uns les autres, jeunes et vieux, avec patience et sérénité, reconnaissants pour ce qui a été fait jusqu'à présent, ouverts à de nouveaux chemins selon la grâce de Dieu, voilà ce qui nous attend.
Locaux et étrangers
Si le fossé entre prêtres et laïcs et les conflits générationnels sont une expérience commune à de nombreuses églises, la distinction entre locaux et étrangers est typique de notre Église. L'Église de Jérusalem a toujours eu et aura toujours ces deux dimensions, le local et l'universel. L'Église de Jérusalem est née à la Pentecôte, alors que toutes les nations étaient déjà présentes, et que toutes ont reçu l'Esprit. C'est la beauté de notre Église, qui rassemble en son sein différentes langues, de nombreux charismes religieux, des pèlerins du monde entier, ouverts à de nombreuses perspectives différentes, immergés dans de multiples activités. Tous, quelle que soit leur origine, font partie de l'Église et ont un droit égal de citoyenneté. Il n'y a pas d'étrangers dans notre Église, mais tous sont les enfants de la même Église.
En même temps, cependant, nous devons reconnaître qu'il existe actuellement une certaine distance entre la composante locale et la composante universelle. D'une part, on est tenté de considérer la composante universelle comme un "invité" et non comme une partie intégrante de l'Église. Et d'autre part, il y a une tendance à considérer la composante locale comme non pertinente, dépassée ou même en extinction. Ce phénomène est commun à toutes les régions du diocèse, et pas seulement à Jérusalem : de Chypre à Nazareth, de Jérusalem à Amman, nous sommes invités à réfléchir sur la signification de l'intégration, de la communion, de la participation et à nous demander comment aborder concrètement ces attitudes dans la vie de notre Église. Les deux âmes de l'Église doivent se soutenir mutuellement, toutes deux nécessaires, toutes deux constitutives de l'identité et de l'histoire de notre Église. Elles font partie du passé et feront également partie de l'avenir.
Identités nationales (Jordanie, Israël, Palestine, Chypre)
Un autre élément de plus en plus évident concerne les identités nationales : Jordanie, Israël, Palestine, Chypre. Notre diocèse couvre quatre pays, avec quatre histoires qui se croisent, jamais facilement, tout en étant de plus en plus indépendantes les unes des autres. En outre, les identités nationales se construisent souvent en opposition, ou en antithèse. Il est difficile de parler de la coexistence de différentes identités dans un contexte de conflit comme celui que nous vivons, notamment entre Israël et la Palestine et à Chypre. Ce phénomène touche également la vie de l'Église.
Ce n'est pas le lieu d'entrer dans les détails, mais il est néanmoins évident que les identités nationales sont elles-mêmes un élément positif et nécessaire et personne ne le remet en question. Mais tout comme il y a des identités nationales, il y a aussi une identité ecclésiale, qui les dépasse. Il n'y a pas quatre Églises, mais une seule Église, qui a des histoires et des identités différentes en son sein. Toutes les différentes identités se combinent pour construire une identité plurielle, multiforme, ouverte et non monochrome d'une Église qui n'est pas absorbée par les conflits d'identité.
Langues
Liée à cette dernière distinction, il y a celle des langues. Les langues sont le principal vecteur de leurs cultures et de leurs identités respectives. Une richesse incroyable, mais aussi un obstacle à la rencontre et au partage. Il est difficile de savoir quelle langue parler lors de nos réunions. Nous en avons tous une expérience personnelle.
Ce ne sont là que quelques-uns des obstacles. Je pense que toute personne présente pourrait en suggérer d'autres ou ajouter d'autres considérations à celles qui existent déjà. Mais je pense avoir donné une idée du phénomène.
Si nous y réfléchissons, ces difficultés ont pour dénominateur commun l'individualisme, qui est devenu central dans la mentalité commune, même parmi nous : Je suis ce que je désire ici et maintenant ; je suis ce dont j'ai besoin, ici et maintenant. En tant qu'Église, nous sommes au contraire appelés à nous demander comment être un don les uns pour les autres ; au lieu de nous demander ce que l'autre doit faire pour moi, demandons-nous comment être un prochain les uns pour les autres (Cf. Lc 10,36).
Cependant, il ne suffit pas d'énumérer les problèmes. Nous devons aussi nous demander quelle direction prendre, quelle est la voie de l'amélioration.
Saint Paul nous vient en aide :
"Car il est lui-même notre paix, lui qui a fait de nous deux un seul être et qui a abattu dans sa chair le mur de séparation de l'hostilité en abolissant la loi des commandements exprimés en ordonnances, afin de créer en lui un seul homme nouveau à la place des deux, faisant ainsi la paix, et de nous réconcilier tous deux avec Dieu en un seul corps par la croix, tuant ainsi l'hostilité. Il est venu prêcher la paix à vous qui êtes loin, et la paix à ceux qui sont proches. Car c'est par lui que nous avons tous deux accès au Père, dans un seul Esprit" (Eph. 2,14-18).
Je crois que c'est la voie à suivre. Partir de notre relation avec le Christ et non de nos besoins, mettre notre cœur dans le cœur du Christ, lire notre réalité, même ecclésiale, à la lumière de la Parole de Dieu.
Nous ne pouvons pas vivre sans amour et l'amour dont nous devons partir est l'amour de Celui qui a donné sa vie pour nous et notre salut. Tel sera le chemin qui nous attend.
Que la Sainte Vierge, Mère de Dieu et notre Mère, nous accompagne sur notre chemin et nous garde dans sa paix.
+ Pierbattista