Messe présidée par le Saint-Père, le pape François
Discours de bienvenue adressé au Saint-Père
Nicosie, 3 décembre 2021
Saint Père,
C'est avec une grande joie que l'Église de Chypre vous accueille. Nous sommes tous ici unis dans la prière pour vous et pour votre ministère auprès de l'Église universelle, avec toute l'Église de Jérusalem, dont Chypre fait partie. Nous vous avons attendu avec joie et maintenant, avec joie, nous crions : "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !".
Chypre a joué un rôle de premier plan dans la toute première proclamation de l'Évangile. Grâce aux habitants de cette belle île, la proclamation de l'Évangile a également atteint les païens et a traversé toutes les frontières culturelles et religieuses, atteignant les confins du monde antique (cf. Ac 11, 20). Un lévite chypriote, Joseph, connu sous le nom de "Barnabé", a conduit Paul auprès des Apôtres et s'est porté garant de lui (cf. Ac 9, 27). Paul et Barnabas étaient frères dans la même communauté d'Antioche. Ils ont été envoyés ensemble à Chypre lors de leur premier voyage missionnaire (Actes 13). Depuis le début du christianisme, Chypre a donc été un lieu de créativité de l'Évangile, d'évangélisation et d'inculturation, un lieu de rencontre, de dialogue et d'acceptation de la Bonne Nouvelle, synonyme de dépassement des frontières ethniques, culturelles et religieuses.
L'histoire nous enseigne que Chypre est comme un pont entre les peuples. En 431, l'Église universelle a reconnu l'importance de cette Église particulière, signe de l'implantation rapide et efficace du christianisme sur l'île.
Après la chute d'Akko en 1291, Chypre a accueilli les communautés religieuses qui avaient fui la Terre Sainte, en particulier les Franciscains, qui ont tant contribué à la prise en charge des catholiques et qui, depuis de nombreuses années, avec d'autres prêtres et religieux du diocèse, continuent à accueillir et à servir les migrants et toutes les personnes, en particulier les plus pauvres.
Chypre partage en même temps les blessures de l'Europe et du Moyen-Orient : des blessures qui sont des divisions politiques, militaires et - il faut le reconnaître non sans amertume - également religieuses. Même l'Église primitive de Chypre n'a pas été exempte de hauts et de bas (Actes 13,13 ; 15,36-40), mais cela n'a pas empêché la diffusion de l'Évangile. Avec le même esprit aujourd'hui, nous ne laisserons pas nos hauts et nos bas devenir un prétexte pour arrêter l'annonce de l'Évangile.
Nicosie, la capitale chypriote, est la dernière capitale européenne divisée par un mur, ce qui constitue une blessure profonde sur l'île. Pourtant, avec nos frères orthodoxes bien-aimés, nous regardons vers le Christ, "qui a abattu le mur de séparation (...), c'est-à-dire l'inimitié" (Ep 2, 14). C'est pourquoi nous exprimons notre espérance, qui est pour nous déjà une certitude. En effet, nous sommes attristés par nos blessures et par nos terres divisées, mais nous savons qu'elles peuvent être transfigurées, que nos murs intérieurs peuvent être abattus, que l'histoire est rachetée dans le Christ.
À la lumière de cette "rédemption", nous exprimons aujourd'hui notre profonde gratitude à l'Église orthodoxe qui, surtout à Chypre, montre des signes de grande ouverture et d'amitié envers notre Église, nous permettant même de célébrer notre Eucharistie dans leurs églises. Je souhaite que cette expérience positive soit un premier pas vers l'unité à laquelle notre peuple aspire. Que Chypre devienne pour les autres Églises un modèle d'unité et d'harmonie, de rencontre et d'amitié sincère ! En effet, cette petite île, bien que blessée par tant de divisions, est aussi porteuse de lumière et d'espérance : harmonie entre les Églises, accueil et intégration, comme vous pouvez le constater dans cette assemblée, où l'on ne peut distinguer qui est chypriote et qui ne l'est pas, où les origines les plus diverses - Asiatiques, Africains, Européens, migrants, travailleurs étrangers - forment avec les Chypriotes locaux un seul corps, une seule communauté, comme au moment de la toute première annonce.
Saint Père, tout cela nous fait croire qu'en Christ la réconciliation est possible, que le Kyrios peut surmonter nos peurs, qu'il peut franchir les portes de nos cénacles fermés et dire : "La paix soit avec vous !"
Que Jésus-Christ efface à nouveau nos peurs et fasse de nous, comme Barnabé, Paul et Lazare, des témoins courageux de la paix et de la vie envers nos frères et sœurs qui souffrent encore dans cette mer et au-delà de la mer, au Liban, en Syrie et en Terre Sainte.
Que la Vierge Marie, la Sainte Kikotissa, "Source de la Miséricorde", nous montre son visage bienveillant, mais "caché" et intercède pour nous tous et pour nos Eglises.
Que les vagues de la mer qui entourent Chypre, les vagues mêmes d'une Méditerranée souillée par le sang de tant de nos pauvres frères et sœurs, soient désormais le berceau non plus de Vénus mais de la Caritas, le véritable Amour, qui sur la Croix nous a rendus tous frères, fils et mères.
+ Pierbattista