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Homélie de Mgr Pierbattista Pizzaballa du 1er janvier 2022

Homélie de Mgr Pierbattista Pizzaballa du 1er janvier 2022

Homélie du 1er janvier 2022 

Co-Cathédrale du Patriarcat latin 

Num 6,22-27; Gal 4, 4-7; Lc 2,16-21 

 

Révérendissimes Excellences, 

Très chers frères et sœurs, 

Aujourd'hui, nous nous apprêtons à entamer une nouvelle année. Pourtant, les différents sentiments et pensées qui se sont accumulés tout au long de l'année passée continuent de s’agiter au sein de nos âmes. Je pense notamment à la fatigue et à l'instabilité provoquées par la pandémie, qui ont rendu l'année scolaire difficile pour les étudiants et par conséquent aussi pour les familles, et qui ont créé plus d’un problème dans le monde du travail et dans d'autres contextes. Je pense aussi à notre situation politique, toujours changeante, mais également toujours pareille, qui ne voit aucune solution réelle et structurelle se profiler à l'horizon. J'en veux pour preuve cette énième guerre à Gaza, qui n’a rien résolu, mais qui a au contraire donné lieu à une nouvelle vague de violence. 

Nous devons cependant reconnaître que nous avons également vu beaucoup de solidarité de la part de notre entourage et même du monde entier. Malgré les difficultés, nous avons réussi à conclure l'année scolaire et à organiser un minimum d'activité pastorale. En bref, malgré les circonstances problématiques, nous avons aussi fait l'expérience de la proximité et de la vitalité. Nous avons notamment vécu un beau moment lorsque nous nous sommes réunis en tant qu'Eglise au sanctuaire de Deir Rafat, pour l'ouverture du Synode voulu par le pape François. Lui-même, à son tour, a d’ailleurs visité notre Eglise à Chypre et nous a laissé des indications précieuses quant à notre vie ecclésiale. Nous avons donc aussi des raisons de nous sentir encouragés. 

Nous avons déjà exprimé, lors de notre homélie de Noël, nos réflexions sur la vie civique de notre diocèse. Permettez-moi aujourd'hui de regarder notre Eglise, notre diocèse du Patriarcat latin de Jérusalem, et de m'exprimer en regardant l'année qui commence plutôt que l'année qui se termine. Demandons à la Sainte Vierge, dont nous célébrons aujourd'hui la maternité divine, de nous aider à avoir un regard plein de vie. 

J'aimerais beaucoup que 2022 soit une année synonyme de reprise dans la vie de l'Eglise. Après une longue période d'instabilité due à la pandémie, qui a interrompu beaucoup de nos initiatives, je voudrais que nous reprenions nos activités sans crainte, que nous recommencions à planifier non pas tant de nouvelles salles paroissiales ou des rénovations d'églises et de centres communautaires, mais des initiatives d'annonce, de partage, de vie communautaire. 

En particulier, je voudrais que nous renouions avec l'art de la catéchèse et de la formation spirituelle, et que nous développions un rapport plus familier avec la Parole de Dieu. Nous vivons en Terre Sainte, une terre qui abrite les lieux les plus saints du monde, et pourtant nous ne les connaissons pas toujours bien. En cette période où les pèlerins ne peuvent pas venir, nous pouvons nous-mêmes organiser des pèlerinages pour aller à la rencontre de l'humanité de Jésus, dans notre Terre et dans nos Lieux Saints, et ainsi vivre de belles et fortes expériences de foi. Je ne suis pas sûr que tous nos fidèles connaissent parfaitement les Lieux Saints ou qu'ils aient déjà fait un pèlerinage dans leur Terre Sainte. De nombreux pèlerins retournent chez eux changés et renforcés dans leur foi. Pourquoi ne pourrions-nous pas vivre la même expérience ? 

En réalité, je pense que chaque moment de notre vie est un kairos, c'est-à-dire un moment spécial dont la Providence nous fait don. Nous ne devrions pas toujours nous plaindre, nous enfermer dans nos problèmes. Je dois dire que nous portons trop souvent un regard négatif sur tout, et ce alors même que la rencontre avec le Seigneur nous ouvre à la vie et à la joie, malgré les difficultés. Bien sûr, nous sommes fatigués de la situation actuelle du monde et souvent aussi de l'Eglise, nous sommes usés par les hauts et les bas de la Terre Sainte et de toute notre région. Mais ce temps, malgré tout, nous invite à ne plus hésiter et à marcher à grandes enjambées vers Celui qui nous attend sur le chemin qui nous conduit à la vie. Nous devons dépasser notre préoccupation des chiffres et notre désir de voir nos actions et nos initiatives donner naissance à des résultats immédiats. Nous devons acquérir la confiance et la patience du semeur.   

Nous sommes sur le chemin synodal souhaité par le pape François, que peut-être tout le monde n'a pas compris, mais qui a néanmoins le potentiel de faire de l'Eglise un lieu où nous pouvons de nouveau cheminer avec force vers la rencontre avec le Seigneur. 

Le parcours synodal est centré sur l'écoute. Je crois que nous devons apprendre à nous écouter davantage les uns les autres. Écouter, c'est plus qu'entendre. C'est faire de la place à la vie de l'autre en nous, essayer de nous mettre dans sa situation. L'écoute est une manière d'être, une attitude, un mode de vie. J'espère que ce petit synode nous apprendra au moins à nous écouter les uns les autres, à écouter les Ecritures et à écouter l'Esprit, que nous avons reçu et qui ne cesse de nous parler. D'une manière particulière, nous sommes invités à sortir de nos contextes habituels, à écouter ceux que nous n'écoutons pas habituellement : les femmes, les marginaux, les chrétiens qui se sont éloignés de la foi... et les jeunes ! Car nous avons un devoir particulier d’écoute envers les nouvelles générations : elles aussi ont des rêves qui peuvent ouvrir de nouveaux horizons. Et ces rêves peuvent nous montrer de nouveaux chemins à emprunter, des chemins qui nous conduiraient au Christ, aux autres, au monde qui nous entoure. 

Cette année, nous sommes invités à renforcer les liens de communion entre nous. À ne pas former des groupes fermés dans lesquels nous nous allierions contre les uns contre les autres. Nous parlons souvent de l'union entre nous, entre nos Eglises, comme d'une nécessité pour faire face aux difficultés extérieures ou à d'éventuels ennemis... Cela ne peut pas être suffisant. La communion est la conscience d'une appartenance, d'un don reçu, où l'on fait partie de l'autre et où l'autre fait partie de soi. Et tout cela jaillit de l'expérience de la rencontre avec Jésus. C'est cette rencontre qui nous fait prendre conscience d'être une communauté, dans laquelle nous nous écoutons les uns les autres. La communion les uns avec les autres nous donne la confiance nécessaire pour nous ouvrir non seulement à nos frères et sœurs chrétiens qui ne sont pas catholiques, mais aussi à nos voisins musulmans et juifs. 

Je voudrais ajouter que nous sommes également invités à participer activement non seulement à la vie de l'Eglise, chacun selon ses dons et sa vocation, mais aussi à la vie de notre société. J'entends souvent dire dans nos discours que nous nous considérons et voulons être « sel et lumière », pour paraphraser l’Evangile. Mais, toujours en paraphrasant l'Evangile, il faut ajouter que le sel ne sert à rien s'il est gardé dans nos belles armoires et que la lumière doit être placée sur un boisseau (cf. Mt 5, 14-15) pour illuminer ses alentours. Combien notre société, en Palestine, en Israël, en Jordanie et à Chypre, a besoin de sel et de lumière, de gens qui savent apporter une contribution positive dans le monde de la culture, de la solidarité, de la politique ! 

Cette année, nous sommes appelés avec une énergie renouvelée à être envoyés en mission dans le monde pour l’Eglise. Cette mission, c’est de proclamer la Bonne Nouvelle. Ensemble, unis dans la communion et dans notre participation à la vie de l'Eglise et à la construction du Royaume, nous voulons faire l'expérience de la fidélité de Dieu et de la promesse que le bien vaincra le mal. Car nous, chrétiens de Terre Sainte, sommes appelés à être les hérauts de la Bonne Nouvelle annoncée par Dieu, et non des prophètes de malheur. 

Parfois, j'entends des gens dire que nous, chrétiens, voulons être « protégés » contre les nombreuses difficultés et hostilités auxquelles nous devons faire face, que nous voulons avoir notre propre espace, qui nous soit dédié... Je ne peux partager cette attitude. Nous ne voulons pas être protégés et abrités par une coupole de verre, mais au contraire faire partie intégrante de la vie civile et religieuse de cette société qui est la nôtre. Nous n'en faisons pas partie par hasard, mais par un dessein de la Providence. Nous voulons donc être ici et maintenant une partie intégrante et constructive de la vie civile. Dans la société, nous voulons être ceux dont le mode de vie annonce la Bonne Nouvelle, ceux qui sont capables de proposer des modèles différents dans nos relations, des alternatives à notre monde souffrant, centrées sur l'égalité et la réconciliation, le respect mutuel et l'amour ! 

Je souhaite vraiment que nous nous engagions sérieusement dans ce parcours synodal et que nous entamions cette année avec confiance et gratitude envers la Providence, qui ne cesse de nous aider et qui nous invite à avoir un regard reconnaissant et apaisé envers le Salut que nous avons reçu. 

Nous invoquons l'intercession de la Mère de Dieu et son regard maternel sur notre Eglise de Terre Sainte. Que celle qui a donné naissance au Fils de Dieu apporte aussi la lumière à nos familles, à nos communautés religieuses et à toute notre Eglise de Jérusalem. 

Chers sœurs et frères, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne année ! 

 

Jérusalem, 1er janvier 2022 

 

†Pierbattista Pizzaballa 

Patriarche latin de Jérusalem 

 

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